Cannelle et Piment pionnier de l’économie sociale et solidaire
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Un peu d’histoire

« À l’origine… un groupe de paroles »

En 1988-89, un groupe « Paroles de femmes », composé d’une quinzaine de femmes, animé par Chimène, agent de développement au Centre Social du Grand Vire, se retrouvait aux LCR Ecoin Thibaude (Locaux Collectifs Résidentiels), pour sortir et se connaître, aborder les problèmes de la vie quotidienne et trouver des solutions.
Toutes les cultures se croisaient. Elles venaient du Sénégal, du Vietnam, de l’île Maurice, d’Inde et du Maghreb.

Une partie du groupe s’est lancé dans les échanges de savoirs, principalement culinaires : « Cannelle et Piment ». Tous les vendredis matin, elles confectionnaient ensemble des spécialités traditionnelles, au Centre Social installé dans le Centre Commercial, qui n’existe plus aujourd’hui. Tout le monde pouvait venir déguster leurs mets pour 5 francs.
L’argent récolté grâce aux ventes des repas était mis dans une caisse commune et servait à payer des activités aux enfants. Quelques heures de travail leur étaient payées par le remboursement de leurs achats.

Le projet se heurte à la réalité économique. Le bénévolat reste prédominant, les participantes en recherche d’activité rémunérée se succèdent, la stabilité du groupe est soumise à rude épreuve. Pourtant un noyau dur s’organise autour de 3 ou 4 d’entre elles.

Du développement économique à la création de l’association et d’emplois salariés

Vers l’autonomie
La vie du groupe s’organise, les décisions se prennent collectivement. Une clientèle de particulier se développe : les travailleurs sociaux du quartier, les instituteurs, les gens de la mairie…
Le 30 mai 1992, la commande pour 100 personnes de la Régie de Quartier marque le début des prestations à destination des professionnels. L’opération a eu tellement de succès, que les commandes n’ont plus cessé d’augmenter : assemblées générales des centres sociaux, réunion diverses en mairies, séminaires ou départs en retraite en entreprise… C’est le début de la reconnaissance du travail réalisé par ce groupe depuis 1989 et la valorisation de leur savoir culinaire.

1997, une année charnière
En août 1997, le groupe de femmes se constitue en association. Les dames privilégient le statut associatif au statut Entreprise d’Insertion, pour continuer à autogérer et de porter leur projet. L’association « Cannelle et Piment » fait ses premiers pas et sert ses premiers plats.
À la demande des femmes, et pour répondre à une demande croissante, deux emplois en CES sont obtenus auprès de la DDTE. La sélection des deux salariés résulte d’un choix collectif qui définit le statut et les ressources économiques comme critères décisionnels.
Avec le développement de son activité, de nouveaux besoins sont identifiés. À la suite d’un stage, un nouveau salarié est repéré pour les aider dans les courses et les livraisons. Le troisième CES est obtenu mais les autres membres restent alors vacataires.
En octobre 1997, l’OPAC du Grand Lyon accorde un appartement en pied d’immeuble au cœur du quartier. L’espace bien que très petit est très convivial. Les voisines poussent facilement la porte pour venir discuter autour d’un thé ou d’un café.

Entre doutes et professionnalisation de l’activité
L’association se dote d’un gestionnaire afin de coordonner l’activité en développement. Les femmes se professionnalisent en suivant des formations notamment dans le domaine de l’Hygiène et la Sécurité Alimentaire.
Paradoxalement, si l’association prend alors son envol, de nombreuses interrogations subsistent quand aux fonctionnements associatifs. La participation fait parfois défaut et quelques femmes se sentent parfois dépossédées de certaines décisions. Certaines prendront de la distance en raison de conflits internes.

La difficile articulation entre le projet social, culturel et économique

Quel rayonnement ?
Si le travail réalisé par le gestionnaire permet un certain développement économique, l’équilibre avec le souhait des femmes de poursuivre des actions sociales et culturelles sur le quartier est difficile à trouver. Les ressources humaines et financières sont consacrées prioritairement à la pérennisation de l’activité économique souvent au détriment du projet social et culturel, soutenu par les femmes, pour leur quartier.
Fin 2001, Cannelle et Piment se dote d’un outil de travail performant en intégrant une nouvelle cuisine professionnelle. Après plusieurs années de travail avec des partenaires comme l’OPAC du Grand Lyon, la Préfecture, la DDE, et des Fonds Européens, cette nouvelle cuisine offre de nouvelles perspectives.
Pour mieux prendre en compte les aspirations des femmes, et avec le soutien des membres du réseau REPAS (ARDELAINE et le Viel Audon), l’association se dote de commissions pour réfléchir à l’articulation des dimensions sociales, culturelles et économiques, ainsi qu’aux perspectives de développement.

Du renforcement de l’économique et du social
La demande ne cesse d’augmenter (curiosité pour les cuisines du monde et création d’échanges entre ville et banlieue) et l’activité génère des emplois dans le quartier. Les membres s’entendent sur la priorité qui est donnée au développement économique tout en se donnant les moyens de redynamiser le volet social.
Le groupe de femmes se charge du projet social et culturel du quartier, quartier qu’elles maîtrisent mieux que quiconque, habitant elles-mêmes sur place. Ces orientations se concrétisent par l’entrée dans un nouveau local, organisé en salon et salle de réunion. Il permet de renouer les liens de convivialité en interne et avec le voisinage, mais aussi de mettre en place des animations régulières ou des soirées, à la demande des habitants, jeunes et adultes.
Face au succès rencontré par cet espace convivial, les fondatrices et quelques habitantes militantes sur le quartier, créent alors en décembre 2002, l’association « Cannelle Solidarité ». Fortes de leur première expérience associative, elles constituent le CA et ont les pouvoirs de décision.
Les deux associations : « Cannelle et piment » et « Cannelle Solidarité » sont membres l’une de l’autre, liées par leur histoire et quelques personnes communes engagées.
La première développe l’activité de traiteur et porte la responsabilité d’employeur. Elle teste en 2002 sa rentabilité économique, sans subvention.
La deuxième, gérée bénévolement par des habitantes, met en place des animations sociales et culturelles et participe à des actions de solidarité locales ou internationales. Elle reçoit des subventions pour ses actions au bénéfice du quartier.

De nouveaux projets, de nouvelles aspirations… de nouvelles difficultés surmontées

Comme dans tout projet collectif où la somme des énergies peut parfois devenir électrique, les divergences entre les personnes et les points de vue ont conduit les deux associations vers de nouveaux horizons. Cannelle et Piment poursuit son activité « traiteur » et fait le nécessaire pour que les difficultés structurelles ne perturbent pas sa stabilité économique. Les membres de l’association se mobilisent une nouvelle fois pour permettre au projet Cannelle et Piment de surmonter ses difficultés.

2008 – 2012 : de nouvelles perspectives

Depuis 2008, l’association consolide chaque année son activité et les commandes alimentent le recours aux emplois à court, moyen et long terme en faveur de personnes issues de l’immigration. L’association emplois en effet entre 6 et 8 salariés sans compter les nombreux « extra » auxquels nous avons recours pour assurer des prestations ponctuelles.

Pour répondre à de nouveaux marchés, pour offrir un service de restauration de proximité à petit prix et pour faire face à une clientèle de plus en plus nombreuse qui sait apprécier la qualité des mets et le sérieux des prestations réalisées, Cannelle et Piment lance le projet de se doter d’une nouvelle cuisine répondant de façon plus adéquate aux besoins de ses fondatrices et de « reconquérir son quartier ».

Pendant cette période, l’association est d’ailleurs récompensée pour son projet. Prix de la diversité en juin 2011 reconnaissant le travail réalisé en faveur de l’interculturalité, prix de l’économie sociale et solidaire, catégorie « emploi » en novembre 2011 valorisant la création des 7 emplois pérennes.

Nouvel outil de production, nouvelle charte graphique et réaffirmation du projet social

Novembre 2012 marque l’aboutissement du projet de construction de cette nouvelle cuisine. C’est une nouvelle fois l’occasion de souligner la complémentarité des dynamiques mises en œuvre par les ressources humaines de l’association – salarié(e)s ou bénévoles – et les partenaires institutionnels.
Cannelle et Piment déménage du 4 rue Johannes Drevet pour occuper une nouvelle cuisine de 190 m2 au cœur de Vaulx-en-Velin, au 15 rue Auguste Renoir. La réalisation de cette cuisine a été rendue possible grâce à l’appui et au financement de notre nouveau bailleur, l’OPAC du Rhône, aux financements accordés par la ville de Vaulx-en-Velin, la Région Rhône-Alpes et Rhône Développement Initiative, sans oublier l’apport de notre association (par l’épargne constituée et grâce à des emprunts sur 10 ans).
Si l’entrée dans cette nouvelle cuisine ouvre de nouvelles perspectives économiques, c’est pour l’association une nouvelle page à écrire qui suscite de nouveaux débats, de nouvelles interrogations sur notre rayonnement social et nos objectifs.

Notre présence durant l’été 2012 sur l’exposition « les Acteurs de nos Quartiers » organisé par la Préfecture du Rhône vient à nouveau confirmer l’originalité et l’impact de notre démarche.